mercredi 23 juin 2010

Un dépaysement Sooooooo British

"Un dépaysement Sooooooo British"
C'est le slogan touristique de l'ile anglo-normande Jersey.

Pour voir où c'est situé: http://maps.google.fr/maps?q=Jersey&oe=utf-8&rls=org.mozilla:en-GB:official&client=firefox-a&um=1&ie=UTF-8&sa=N&hl=fr&tab=wl

Comme on m'avait dit que Jersey était plutôt commercial et que j'étais tombée sur un dépliant "Guernsey à velo", j'avais bien en tête de visiter plutôt cette petite ile voisine, plus préservée, moins achalandée.

Toutefois, pas de ferry vers Guernsey le mardi... J'ai donc choisi de me rendre mardi matin à Jersey, puis, de là, je pourrais transférer à Guernsey en fin de journée.

Dès que le navire est entré dans le port, à proximité de ce château caché derrière un rocher, et considérant les falaises rocheuses qui tombaient dans la mer tout autour, surmontées de châteaux et de tours d'une autre époque, déjà, j'étais muette d'admiration.
En plus, il faisait un soleil de plomb pour ce deuxième jour d'été. Il faisait même chaud! Chose rare dans la région... Je pars donc en quête du bureau de tourisme.

Je traverse le port, qui est bordé de fleurs, avec des blocs de granit gravés des mots suivants: Whiskey, Victor, Uniforme. Le tout aligné devant les rangées de voiliers, je me dis que ce doit être un truc pour se rappeler la rangée où on a amarré son bateau. Puis, Roméo, Québec (Wow, le Québec est connu jusqu'ici), Papa, Oscar...

Ah! J'allume: ce sont les codes de l'alphabet phonétique international, celui qu'utilise l'armée et les policiers pour dicter des codes, des noms, des plaques d'immatriculation pour être bien certains de se comprendre. Une version plus élaborée et universelle de ce qu'on fait parfois en dictant un code postal: Jean-zéro-Germaine-un-Nicole-deux.

C'est le genre de détail que j'apprécie. Des lettres, des mots, des codes. Alors je remonte le port, sourire aux lèvres, en faisant l'alphabet à rebours: Lima, Kilo, Juliette... Echo, Delta, Charlie, Bravo, Alpha!

Passons aux choses sérieuses, parce qu'on n'est pas ici pour visiter un alphabet dans le granit! Jersey est accueillante et facile d'accès: tiens toi pour le plan, la location de vélo, c'est juste à côté, ils changent les euros pour des livres, ils ont des toilettes non payantes, dis donc ça c'est du service!

Me voilà partie. Et hop, la piste cyclable qui longe la plage principale, quelques arrêts photos ici et là, quelques panneaux sur l'histoire que j'arrête lire au passage. J'ai été bien surprise de voir qu'ils ont des installations, en bord de piste cyclable, conçues expressément pour faire des redressements assis, des sauts de haies, des chin-up. Très équipés les Jersiais.

Mon but est de me rendre jusqu'à la Corbière, voir le lighthouse. Je m'étire un peu dans le mini village de St. Aubin, plein de bateaux colorés, de restos fleuris, de routes valloneuses escarpées.

Et la cycliste intrépide que je suis de s'engager dans ces voies pavées qui semblent monter suffisamment pour promettre une bonne vue au sommet.

En trois coups de pédale en montée, avec les changements de vitesse (seulement 7 vitesses) peu habitués d'être sollicités (le parcours proposé, sur piste cyclable, est entièrement plat et tout le monde sauf moi doit s'en tenir à ça j'imagine), la chaine débarque. Oups!

Comme elle est toute recouverte par un plastique pour éviter de salir les pantalons, ce n'est pas une mince tâche de la remettre en place et je finis les doigts complètements noircis, le simple mouchoir ne suffit pas. J'emprunte donc les toilettes d'un sympathique restaurateur et je frotte et je savonne et je frotte et... au bout de quinze minutes de niaisage, je reprends mon ascension, plus décidée que jamais.

La vue m'a semblé incroyable sur le coup, puis plus tard, j'ai compris que c'était certainement la plus moche et ridicule de tout le parcours. Hi hi hi, quand on compare... Alors, quelques détours (chaque fois qu'il y avait une pente raide, je la gravissais dans l'espoir que ce soit là aussi une superbe vue sur la baie), je prends finalement la bonne direction, qui pique à travers bois sur une ancienne voie ferrée convertie en piste cyclable.

La voie est bloquée. Je reviens sur mes pas. Puis, ne sachant trop où aller et après avoir escaladé encore deux bonnes côtes, je me décide à consulter mon plan qui m'informe que le bon chemin à emprunter pour traverser est assurément celui par le bois, où un détour est prévu pour la partie condamnée. Bon...

M'y voilà. Piste fermée. Aucun détour en vue, je suis près d'un viaduc immense. J'peux pas passer par-dessus, j'peux pas passer par en dessous, j'peux pas passer sur les côtés, mais qu'est-ce que j'fais? Je reviens sur mes pas. Mais oh! Ah! Attention, à gauche, entre les feuilles, il me semble apercevoir une pancarte, eh oui, c'est bien une flèche indiquant cyclistes et piétons, vers le haut. Le haut. Il y a un mini sentier semi-boueux glissant qui monte en pente raide jusque par-dessus le viaduc, au bord de la route. C'est exactement ce que je cherchais... Alors roule roule roule.

Et tout à coup, un champ, une forêt de pins toute desséchée, puis le désert, un cap rocheux, balayé par le vent. Et la mer. Corbière. Le lighthouse. Magnifique. La plupart des gens s'y rendent en voiture, mais à vélo c'est tellement mieux, car on ne s'arrête pas, sauf une fois au pied du fort, une longue pente où on se laisse descendre, le nez dans le vent, respirant à fond l'air marin.
Je longe le littoral pendant une bonne heure encore. D'une falaise à l'autre, d'une baie à la suivante, d'une route, au chemin, au sentier, au hors piste, c'est toujours aussi wonderful. Un vrai rêve. Et le soleil qui continue de diffuser cette chaleur bienfaisante que je n'avais pas encore eu la chance de savourer.

(Ouais, bon comme je tarde à publier, avec la canicule qui sévit depuis ce jour, je dois dire que plusieurs vont me trouver complètement folle de tant m'extasier de la CHALEUR, cette chose qui était si rare à Saint-Malo depuis mon arrivée fin avril.)

Il est temps de revenir et de trouver de quoi manger. Tiens, une Jersey cow. Hum, un bon steak, un bon verre de lait, de la bonne crème glacée. Mais ouf, en plein champ, pas facile à trouver. Alors en attendant, je survis avec mes derniers morceaux de carottes...

J'emprunte des petites routes campagnardes et après une longue descente en vallons, j'aboutis directement à St.Brelade's Bay, face à un cimetière qui surplombe la mer. Et juste là, des dames prennent le english tea sur un banc dans un mignon jardin devant la chapelle. Une mini ardoise m'indique qu'on y sert des scones et du thé.

Une chapelle, quelques tables et des bancs de bois, c'est tout ce qu'il aura fallu à ces dames pour s'inventer un petit salon de thé en bord de mer.
Gâteau au chocolat et thé au citron. Inspirant. Une pause bien méritée, très appréciée. Je me permets une courte sieste, le visage balayé par la légère brise qui fait bruisser les feuilles des tilleuls juste à côté.

Déjà, il faut pédaler jusqu' au port de St.Helier, car je dois prendre le traversier pour l'île de Guernsey en fin de journée. Jersey a merveilleusement bien rempli sa promesse de "dépaysement Soooooo British" et me voilà qui vogue vers la destination qui me fait rêver, qui promet un dépaysement encore plus grand.